Rencontre-thématique du 22 septembre 2016

C’est une salle quasiment comble qui a assisté à la quatrième rencontre-thématique intitulée :

La communication dans les actes de soin.

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Le Pr Emmanuel HIRSCH a introduit la séance en rappelant qu’il faut aller à la rencontre de l’autre mais que chacun d’entre nous n’est pas forcément en capacité de communiquer. Communiquer est une manière d’être ; l’éveil de l’autre dans son étrangeté est très important. L’enjeu fondamental de la communication dans les actes de soin passe par l’instauration d’une confiance entre l’équipe médicale et le patient. Pour avoir confiance en l’équipe médicale, le patient doit avoir le sentiment d’être compris.

Lévinas a dit : il y a le dit et le dire.  Il y a une manière de dire et de suggérer. Il y a différents temps et différents moments. Ce qui est le plus important dans l’annonce (de la maladie ou du handicap), c’est trouver le juste moment : on ne communique pas de la même manière à tous instants, il y a des moments de plus grande proximité ; il y a des moments où l’on peut dire les choses et d’autre où ce n’est pas possible ; il faut beaucoup d’intelligence, de retenue, de pudeur et de décence pour communiquer. Il faut avoir le sentiment de la mesure : à travers quels signes, relations, la personne est-elle réceptive ? Comment comprendre que ce qu’on dit est exactement ce qu’on voulait dire ?

Dr Zucman :  la communication est fondamentale pour toute personne humaine. C’est le plus important des désirs que nous ayons comme être vivant. Communiquer est un acte très complexe car il n’est jamais seul : on communique avec autrui. Il faut être ensemble pour communiquer : la personne elle-même, l’équipe, les parents. Pour communiquer, le premier point est d’être ensemble à chaque fois que c’est possible alors qu’on a plutôt tendance à mettre la personne polyhandicapée en dehors de la communication. Pourtant, c’est du mieux-être pour tous car prendre une décision, annoncer une intervention nécessaire… lorsque la personne polyhandicapée est présente, nous prenons mieux le temps. En prenant le temps, obligatoirement notre langage est différent.

La communication est toujours interactive. Communiquer est une action complexe pour le commencement : cela demande qu’on commence par écouter. En tant que professionnel, chargé de dire les choses :

  • Il faut écouter d’abord
  • Laisser à l’autre tout le temps de comprendre
  • Répondre en dernier lieu

Il existe des freins à la communication :

  • Le temps : il faut trouver des plages de communication régulières avec eux, hors urgences. Il faut qu’un même membre de l’équipe passe régulièrement ce moment privilégié journalier avec la personne
  • Nos peurs : de ne pas les comprendre, de ne pas être compris (pourtant elles comprennent au-delà de ce que nous pouvons espérer)

La communication entre nous (parents, professionnels, personne polyhandicapée) repose sur un malentendu. Les médecins ont tendance à ne pas partager leur savoir et demandent le savoir des autres membres de l’équipe et le savoir qu’ont les personnes polyhandicapées sur nous. Le savoir est un pouvoir. La Loi Kouchner impose l’obligation de soigner, d’expliquer les troubles, les traitements. Il faut partager ce qu’on croit savoir, partager les questions qu’on continue de se poser, oser dire « je ne sais pas » ou « je ne sais pas répondre ».

Si on veut parler des troubles et des traitements, il faut s’affranchir, dans les équipes, du secret médical mais les règlements imposent une obligation de réserve rigoureuse par rapport à ceux qui ne sont pas concernés.

Le mieux-être des trois partenaires repose sur la confiance mutuelle. C’est un pouvoir partagé, « empowerment », c’est-à-dire donner du pouvoir à l’autre, c’est partager son savoir.

La communication constitue ainsi un acte de soin (care) et cela donne à chacun un pouvoir nécessaire, se sentir exister et c’est le but principal. Cela cimente aussi une équipe et c’est le meilleur moyen de lutter contre l’isolement des familles, de certains de ceux qu’on accueille et qui luttent contre l’épuisement professionnel (burn-out).

Samira NOUALI : l’Accompagnant Educatif et Social (A.E.S.) exerce une fonction d’accompagnement et d’aide dans la vie quotidienne, à la frontière de l’éducatif et du soin. Il doit être doté de qualités spécifiques et adhérer à certains concepts de la relation d’aide, comme la présence, l’écoute, le respect et l’empathie et posséder un grand sens moral et éthique et exerce sa profession en s’interrogeant sans relâche : Que dois-je faire face à cette situation ? Qu’aurais-je dû faire ? Qu’est-ce qui serait bien pour la personne accompagnée ?

L’amélioration de la qualité est une préoccupation majeure de la politique générale de l’établissement et se décompose en quatre grandes catégories : l’accueil, la vie quotidienne, l’animation, la rééducation et les soins.

La Loi Kouchner du 4 mars 2002 mentionne que l’usager est au cœur des préoccupations de l’hôpital public. Les droits de l’usager doivent être portés à la connaissance de chaque personne hospitalisée. Ils comprennent le droit à l’accès aux soins pour tous, sans discrimination de quelque nature que ce soit, le droit d’être informé et de participer aux décisions, l’accès aux informations de santé (dossier médical) et le respect de l’intimité et de la vie privée.

Le partage d’informations est très certainement bénéfique pour la personne polyhandicapée, sa famille et les équipes. Il permet d’accompagner au mieux professionnellement les usagers, au quotidien, tout au long de leur vie même si, parfois, le partage d’informations avec ces personnes est complexe : « que dire ou ne pas dire ? ».

Au quotidien, les professionnels informent les résidents de tout ce qui les concerne, de ce qui va se passer, des actes médicaux programmés et des activités prévues. Ils recueillent alors leur consentement, ou non, pour tous ces moments de vie. Les résidants savent d’ailleurs très bien se faire comprendre si on les écoute et les observe. Le résidant doit être sujet et acteur de sa vie.

La relation avec les parents est très souvent réciproque et complémentaire : le parent sait. Les professionnels apprennent d’eux et inversement ! Pour le bien-être de leur enfant, c’est primordial.

L’obligation de réserve : dans le cadre des communications dans les pratiques de soin s’établit un véritable partenariat fondé sur la confiance entre la personne polyhandicapée, sa famille et les équipes. Un partage d’informations se met en place et l’AES est soumis à une obligation de réserve, à une discrétion professionnelle, voire au secret médical, s’agissant des échanges avec les familles. L’AES détient des informations d’ordre médical et familial qu’il partage seulement dans le cadre de l’équipe pluridisciplinaire. L’obligation de respecter le secret professionnel est le corollaire du droit du patient au respect de son intimité et de sa vie privée.

Manuel COL, parent : La problématique de communication entre les parents et le médecin : ce dernier doit sentir si le parent est en capacité d’entendre la nouvelle. Certains mots sont lâchés sans autres explications.

Il rappelle aussi combien il est important que les soignants fassent attention à l’enfant (en lui disant bonjour par exemple).

Quand le polyhandicap est dépassé, l’enfant redevient un enfant comme les autres.

Les médecins mesurent-ils toujours l’impact des paroles qu’ils peuvent dire aux familles ? M. COL mentionne qu’il y a de bonnes relations avec certains professionnels car ils ont la communication en eux. Leurs études ne suffisent pas. L’empathie ne s’apprend pas. Certains professionnels ont su faire leur mea culpa. M. COL rajoute que les médecins, même s’ils sont les sachants, devraient apprendre à dire « je ne sais pas », loin de faire peur aux parents, cela pourrait les rassurer.

Il rajoute que les soignants qui prendront le temps pour s’occuper de son enfant auront tout à y gagner et cela peut faire du bien collectivement.

Un compte rendu complet sera publié dans le prochain GPF INFO à l’attention de nos adhérents.

Etude et résultats DREES

L’offre d’accueil des personnes handicapées dans les établissements et services médico-sociaux entre 2010 et 2014

Fin 2014, les établissements et services médico-sociaux proposaient 489 200 places réparties dans 11 250 structures accompagnant des personnes en situation de handicap, selon l’étude publiée par la Direction de la Recherche, des Etudes, de l’Evaluation et des Statistiques (DREES) : « L’offre d’accueil des personnes handicapées dans les établissements et services médico-sociaux entre 2010 et 2014 ».

Pour prendre connaissance de l’étude :

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22 septembre 2016 : 4 ème rencontre-thématique

La quatrième rencontre-thématique du Groupe Polyhandicap France se tiendra le jeudi 22 septembre 2016 de 14 h à 17 à l’Espace Ethique de l’AP-HP – 1, avenue Claude Vellefaux – 75010 PARIS

La communication dans les pratiques du soin

bulletin thématique 22 sept

Une plus grande compréhension des troubles et des améliorations concrètes des thérapeutiques, des interactions et de l’estime partagées : pour la personne polyhandicapée, l’information continue sur ce qu’elle vit est indispensable et aidante car elle comprend toujours, par des voies encore mal connues, tout ce qui la concerne directement dans son âme comme dans son corps.

La loi de 2002 (Kouchner) sur les droits des malades fait obligation aux médecins d’informer leurs patients et les familles proches sur les troubles et les traitements proposés. Par ailleurs, l’évolution de notre société développée engendre en chaque citoyen un vif désir d’être acteur de sa santé et de prendre part aux décisions qui le concernent.

Nous ne pouvons plus nous abstenir de participer à ces progrès au prétexte que les malades et leurs familles risquent de ne pas comprendre ou de s’inquiéter à l’excès, ni justifier notre silence par le manque de temps.

En effet, les enjeux d’un véritable partenariat issu du partage continu d’informations sont multiples et se feront au bénéfice égal de la personne polyhandicapée, de sa famille et des équipes, sur la base de la confiance réciproque ainsi créée entre eux :

  • Une efficience accrue des soins envisagés ou proposés
  • Une meilleure acceptabilité de leurs limites inévitables (et pour les familles et les médecins, un moindre risque de judiciarisation)
  • Un enrichissement réciproque des savoirs car les proches, parents et fratrie de la personne polyhandicapée et soignants (AMP et aides-soignantes) acquièrent, dans la proximité et la durée, un savoir véritable sur les signes d’alerte (la douleur par exemple) dont le médecin a le plus grand besoin. Ils doivent recevoir, en continu de la part des médecins, des renseignements simples et précis sur les troubles et les traitements. Ensemble, tous sont soumis à une obligation de réserve (à la place de l’antique secret médical….)
  • Une plus grande compréhension des troubles et des améliorations concrètes des thérapeutiques, des interactions et de l’estime partagées : pour la personne polyhandicapée, l’information continue sur ce qu’elle vit est indispensable et aidante car elle comprend toujours, par des voies encore mal connues, tout ce qui la concerne directement dans son âme comme dans son corps

Inscriptions : gpf.secretariat@free.fr

Unesco 2016

Malgré les mouvements sociaux, de nombreux participants étaient présents à notre colloque du 2 juin dernier « A la découverte continue du polyhandicap », très apprécié de par la qualité des intervenants et par la présence de Madame La Ministre Ségolène Neuville, qui a ouvert notre journée.

 unesco webSégolène Neuville                  Philippe Gaudon        Monique Rongières

2 juin 2016 : colloque à l’Unesco

En présence de Ségolène Neuville,
Secrétaire d’Etat aux personnes polyhandicapées

A la découverte continue du polyhandicap
Le Groupe Polyhandicap France a 20 ans,
ensemble, investissons un nouvel avenir 

Le Groupe Polyhandicap France a 20 ans.
20 ans de solidarité, de recherches, de soutiens…
Mais aussi 20 ans de lutte pour une meilleure reconnaissance du polyhandicap et de ses conditions d’accompagnement dignes et adaptées.

Pour autant, la démarche continue, imposée par les besoins, les attentes déçues, les détresses parfois, mais aussi l’impératif devoir de mieux comprendre, aider, soigner la personne polyhandicapée et son entourage. Car la complexité du polyhandicap nous convoque impérativement à une exigence accrue de réflexion, de remise en question, de partage, autant de facteurs préventifs du risque de morcellement résultant des multiples regards et interventions.

Loin des festivités anniversaires, nous avons ainsi choisi de placer cette journée d’étude sous l’angle de cette recherche permanente.

En posant une nouvelle fois la question des repères éthiques et philosophiques qui doivent inspirer les pratiques professionnelles et les relations entre les acteurs engagés, dont il nous faut reconnaître l’utile subjectivité des « regards ». En interrogeant, non sans une certaine inquiétude, les évolutions des référentiels des politiques économiques et sociales, porteuses de risques ou d’opportunités pour les plus démunis… ? En se référant, encore et surtout, à la clinique, étendue à l’ensemble des observations, somatiques, intellectuelles, relationnelles, qui seule peut nous aider à comprendre et chercher les voies de progrès, souvent en dépit des pronostics les plus sombres.

Enfin, fidèle aux principes fondateurs du Groupe Polyhandicap France, cette journée sera l’occasion d’entendre la voix des parents et l’expression de leur connaissance si intime de leurs enfants. Rejoignez nous nombreux à l’occasion de cette journée anniversaire, inaugurale de notre avenir commun et solidaire.

programme web

 Inscrivez-vous à notre journée du 2 juin 2016 :

BULLETIN INSCRIPTION WEB

Informations : gpf.secretariat@free.fr

20 avril 2016, troisième thématique

La troisième rencontre-thématique avait pour thème :

Education thérapeutique et polyhandicap :
une approche éthique et clinique

photo pour site

Marion AUBRY, qualiticienne et co-auteure avec Philippe Gaudon, a évoqué l’enquête effectuée.

Puis, Estelle Goudon, Directrice SESSAD de de l’Association des Tout-Petits, a évoqué son besoin d’être en lien avec les familles, a perçu la nécessité de travailler en partenariat avec les parents pour favoriser le développement de leur enfant, quel qu’il soit, et a appréhendé plus récemment les avantages à passer de la notion de guidance parentale au concept d’éducation thérapeutique. En S.E.S.S.A.D, les intervenants travaillent en grande proximité des parents et essentiellement dans l’accompagnement de très jeunes enfants. L’explication des troubles, la rééducation, la stimulation pour l’éveil de l’enfant nécessitent obligatoirement de la part du professionnel une attention importante à sa verbalisation, à la mise en mots de ses actions sous le regard du parent. Cela requière des qualités d’écoute, de patience, d’empathie, pour expliquer avec précaution ce que l’on observe, ressent, comprend de l’enfant, de son attitude, de ses difficultés, de ses progrès. Il s’agit également de demander le soutien du parent, pour appréhender la globalité de l’enfant quand on le rencontre seulement 2 ou 3 fois par semaine, pour faire des liens entre les observations et analyser les comportements. L’humilité est aussi convoquée pour dire ce que l’on ne comprend pas, n’explique pas malgré les recherches et l’expérience des professionnels. Aujourd’hui avec la notion d’éducation thérapeutique, les professionnels peuvent aller bien plus loin ! Au-delà des « bonnes pratiques », il s’agit de donner sa pleine place de sujet à l’enfant polyhandicapé, de lui permettre d’influer sur sa vie malgré sa grande dépendance en le reconnaissant, en premier lieu comme un enfant, capable d’une certaine forme de compréhension, de participation, d’apprentissages relatifs à son quotidien de vie. En le plaçant au centre, les professionnels s’adressent plus à lui, l’informent, le consultent, observent ses réponses et tentent, avec les parents, de l’aider à grandir, de le guider dans son développement. Cela devient un principe fondamental, fondé sur l’éthique et l’excellence technique, bienveillante pour toute personne, quelle que soit sa situation de handicap.

Le Dr Catherine Jeannin, médecin au CAMSP du Moulin Vert a pratiqué l’éducation thérapeutique, ayant travaillé avec M. LeMetayer, et a été formée en partie par lui sur les NEM et l’éducation thérapeutique. Elle a compris que c’était un moyen de participation active de l’enfant à ses soins, retrouvé sous une forme plus large dans le cadre de ce qu’on appelait la « guidance parentale » qui associe l’éducation thérapeutique (être acteur de son développement et aider les parents à soutenir spécifiquement l’enfant dans son développement sans devenir des « parents rééducateurs ») et le soutien psychologique, social, à la famille pour qu’ils trouvent leurs propres voies dans l’éducation de leur enfant, et retrouvent force et énergie pour affronter l’épreuve à laquelle ils sont confrontés. Si la plupart des professionnels pensent qu’il est important de rendre l’enfant actif et acteur, la méconnaissance des variabilités de comportement de l’enfant, la lenteur d’évolution de certains d’entre eux, la complexité des réactions des parents à la période de révélation du handicap entraine parfois des phénomènes d’évitement ou des conseils péremptoires assez loin des « bonnes pratiques de l’éducation thérapeutique. Il lui est apparu important de mettre en place des moyens pour réaliser au mieux et transmettre ces notions de guidance : « co consultation, compagnonnage, travail en groupe (2 professionnels de formation et d’expérience différentes auprès de 4 à 6 enfants), réunion avec les parents et plusieurs professionnels (synthèse, réunion d’information à thème, rencontres conviviales)… »  pour appliquer la théorie à la pratique. Le Dr Jeannin termine son intervention avec quelques interrogations : la première est celle de la place de l’action médico-sociale, concept souvent mal connu et mal reconnu des médecins et des autorités de tutelle mais dont les nombreux témoignages des familles et des partenaires nous prouvent chaque jour la pertinence dans son action la plus respectueuse du développement de l’enfant et des besoins des parents. Des doutes s’installent cependant lorsqu’on voit les multiples méthodes et les préconisations faites pour le suivi des personnes handicapées où la place des CAMSP est très rarement mise en avant, voire même évoquée. On parle de projet innovant, mais quiconque visite un CAMSP est frappé par la créativité des équipes. Ne faudrait- il pas renforcer les équipes, mieux les former en particulier à l’ET et promouvoir leur action ? Et de cette interrogation de base en découle de nombreuses  autres, preuve de la réflexion permanente des équipes : comment rendre acteurs et actifs parents et enfants sans les transformer en objet de soins ou en parents rééducateurs ? Comment arriver à la transdisciplinarité en évitant de morceler l’enfant en organes ou fonctions à rééduquer ? Comment respecter les savoirs faire familiaux à l’heure de la mondialisation et de l’accueil d’enfants et de famille de tant d’origines et de milieux différents avec chacun leur propre histoire ?

Prochaine thématique : jeudi 22 septembre 2016 sur le thème
« la communication dans les pratiques du soin »